- Angel of Sorrow.

Elle est là. Seule. Vêtue de noir, comme chaque jour. Elle porte ce collier en cuir serti de clous, ce « collier de chien » comme ils diraient. Son maquillage noir lui faisait de grands yeux perdus dans le vide. Ses cheveux bleus, lisses, coiffés d’une frange repliée sur son front blanc, lui vont à merveille. Mais ce n’est pas leur avis… Elle a mit ce beau tee-shirt ; son préféré : le tee-shirt noir avec inscrit en blanc le nom de son groupe favori. Mais ils ne trouvent rien d’autre qu’à lui faire des reproches sur sa façon de s’habiller. Son slim en cuir noir lui colle à la peau, laissant se dessiner les formes de ses jambes maigries par ce manque de nourriture. Pourquoi ne mangeait-elle plus ? A cause d’eux. Ses bras fins et presque osseux sont recouverts de bracelets à clous, eux aussi. Pourquoi sont-ils là ? Est-ce réellement pour « faire joli » ? Non. En réalité, c’est pour cacher ces blessures, ces coupures qu’elle s’inflige. Qui était au courant ? Elle. Pourquoi avait-elle fait ça ? A cause d’eux. Mais qui sont « ils » ? Tout simplement : les autres. Elle est seule. Ils passent leur temps à lui faire des remarques, à la juger, sans même la connaître, sans même lui avoir déjà parlé. Ils la jugent. Simplement. Pourquoi ? Elle n’en sait rien… Ils la rejettent ; s’arrêtant sur son physique, son style vestimentaire, et musical. Certes, originaux et peu communs. Mais est-ce vraiment une raison ? Non ! Pourquoi est-ce qu’ils n’essaient pas d’apprendre à la connaître, au lieu de la blesser ? Ce jour-là fut le jour de trop. Elle en avait marre. Elle souffrait. Elle était seule. Seule dans ce monde ligué contre elle. Seule. Seule, abandonnée, jugée… Elle avait décidé de partir. Elle prit son Ipod, et s’enfuit du lycée. Elle rentra chez elle, dans cette jolie maison dans les bois. Elle alla se promener dans ce bois, elle respira l’air frais, écouta le beau chant des oiseaux, elle renifla le parfum des jolies fleurs colorées, en ce beau jour ensoleillé de printemps. Pour une dernière fois. Sa décision était prise. Elle allait partir. Partir de ce monde. Oui ; mettre fin à ses jours. Elle avait trop souffert. Ils avaient gagné. Elle entra dans la salle de bain, prit cette lame. Sa seule amie. Une coupure, « Tas d’os ». Deux coupures, « morte vivante ». Trois coupures, « squelette ». Quatre coupures, « suicidaire ». Le sang coule le long de son poignet tant de fois meurtri ; ce poignet couvert de cicatrices causées par cette lame. Elle attrape la main tremblante cette boîte de pilules, et les avale toutes d’un seul coup. Son bras lui brûle, sa gorge pique, sa tête tourne, son ventre lui fait mal, elle voit tout noir… Tout est si rapide ! Tout tourne autour d’elle, les bruits résonnent dans sa tête… Allait-elle enfin réussir à passer de l’autre côté ? Une lumière blanche l’aveugle. Elle entend des voix. Où est-elle ? Est-ce un rêve ? Est-ce réel ? Ca y est. La douleur l’a emportée à jamais, pas de retour possible, elle est passée de l’autre côté ! Elle a rejoint les anges qui lui ressemblent, les anges qui ont vécu la même chose, et qui sont partis ne pouvant pas continuer à vivre de cette façon. Allait-elle leur manquer ? Allaient-ils regretter ? Allaient-ils se rendre compte qu’ils étaient allés trop loin ? Elle l’espérait bien… Elle était partie, maintenant ; et elle ne reviendra plus. Elle avait rejoint ces autres anges : les anges victimes de la douleur.